Espèces d’ours !

Lorsque nous pensons « ours », nous perdons en général tout sens commun.

Notre imagination s’emballe pour osciller la plupart du temps entre grand animal féroce et sanguinaire doué d’une stature et d’une force prodigieuse, voire terrifiante, et véritable peluche vivante entre les pattes de laquelle on a envie de se blottir.

L’exposition temporaire, « Espèces d’ours ! « , qui a planté sa tente au Muséum d’Histoire Naturelle à Paris, est envoûtante et nous interpelle à bien des égards. Mais elle a pour objectif premier de nous remettre l’esprit à l’endroit, et de nous permettre de nous ressaisir en présence de l’ours. Pour que nous puissions l’entrevoir et l’apprécier tel qu’il est, avec toute l’objectivité dont nous pouvons être capables.

En plongeant dans la douce pénombre de l’exposition, nous sommes immédiatement aimantés par huit superbes spécimens d’ours naturalisés, autour desquels nous pouvons tourner à notre rythme, au gré de notre admiration, de notre étonnement, de notre curiosité ou de nos interrogations. Ce point de focalisation incarne la diversité des espèces d’ours qui vivent actuellement sur notre planète.

Car, n’en déplaise à nos préjugés, l’ours se décline au pluriel, chaque espèce étant une merveille d’adaptation à un milieu spécifique.

Premier constat, les ours ne sont pas tous grands et majestueux, mais ils sont tous adaptés.

L’apparence « chétive »  de l’ours malais et son poids « plume » sont des avantages et non pas un handicap lorsque l’on vit dans les arbres, et les longues lèvres de l’ours lippu sont parfaites pour aspirer des kilos d’insectes tous les jours. Le sixième « doigt » développé par le panda au cours de son évolution lui permet une très bonne préhension des tiges de bambous dont il se nourrit exclusivement.

Autre constat, les ours sont tous omnivores, les régimes végétarien du panda et carnivore de l’ours blanc (uniquement des phoques) ne sont que l’expression d’un opportunisme et d’une adaptation intelligente à leurs milieux respectifs. L’ours blanc possède par ailleurs une peau noire pour absorber la chaleur et des coussinets antidérapants pour adhérer à la glace. Ce que l’on pourrait prendre pour des fantaisies de la nature n’en sont pas.

Ne nous laissons pas non plus abuser par l’allure pataude et maladroite des espèces plus massives et plus imposantes comme l’ours brun ou l’ours blanc, qui cache une surprenante agilité pour grimper, nager ou chasser, ainsi qu’une étonnante dextérité pour pêcher ou cueillir les petites baies et les fruits dont certaines espèces raffolent. Leur gourmandise légendaire ne les empêche pas non plus d’être capables de discerner et d’utiliser les vertus médicinales de certains fruits pour calmer leurs maux de ventre ou celles de certaines racines qu’ils mâchent avant de s’en frictionner pour éliminer les parasites de leur fourrure.

De même, le fait que les oursons soient si minuscules à la naissance ne veut pas dire que la nature capricieuse ait oublié de les finir. Nourrir un nouveau-né avec le lait maternel demande moins d’énergie à la maman que d’alimenter un fœtus via le système sanguin du placenta. La richesse exceptionnelle du lait de l’ourse compense en accélérant le développement de l’ourson pendant l’hiver, bien au chaud dans sa tanière, léché et pour ainsi dire façonné par sa mère. Une gestation courte est donc un avantage chez les ours.

Une évidence s’impose, nous connaissons bien mal cet animal qui pourtant nous inspire un sentiment d’attachement si vif. Il est vrai que les rencontres avec l’ours dans la nature sont bien moins fréquentes qu’autrefois, et qu’elles sont à présent de l’ordre du privilège… Mais nous voilà rendus à la raison, les ours sont simplement des animaux sauvages comme les autres, chaque espèce en étroite adéquation avec son biotope. Rien de plus, vraiment ? Demeure pourtant en nous l’impression indéfinissable mais tenace d’une relation beaucoup plus intime…

Source : Christine