Cheval : rendez-vous avec le dentiste équin

 Samedi après-midi, l’écurie fourmille de cavaliers. Au milieu de cette joyeuse effervescence, Ecrin, mon cheval, s’apprête à subir une intervention particulière : c’est l’heure de la visite du dentiste équin. Cela tombe bien, car quelques surdents le font souffrir.

Les surdents résultent de l’usure irrégulière des dents. La bouche d’un cheval adulte en compte 36 chez les juments et 40 chez les mâles. Elles poussent presque tout au long de leur vie, mais la disposition des mâchoires empêche une usure symétrique : une fois la bouche fermée, la mâchoire supérieure ne repose pas exactement sur la mâchoire inférieure, beaucoup plus étroite. De plus, elles exercent un mouvement légèrement rotatoire lors de la mastication des aliments. La face extérieure des molaires se trouve exempte de toute usure et forme une dent pointue, qui meurtrit la joue et la langue. Les surdents peuvent être à l’origine d’une perte de poids et d’une réticence à la main. D’où l’importance de la visite annuelle d’un dentiste équin professionnel pour les limer.

Le dentiste équin observe d’abord la conformation de la bouche et, ce qui est très important, cherche à glaner des informations sur le cheval et sa cavalière : quel type de mors j’utilise ? Ecrin est monté en filet simple anatomique : rien à signaler de ce côté-là. Il est cependant très dur à droite, dans les changements de main ou les cercles. Elle me demande justement si le travail pose problème. L’une des causes de sa défense à droite pourrait être la présence de surdents sur la mâchoire inférieure gauche. Le dentiste l’équipe d’un dispositif lui gardant la bouche ouverte et palpe  l’intérieur et  l’extérieur.

L’intervention se fait dans le calme. Elle est indolore pour le cheval, qui n’a pas besoin d’être mis sous tranquillisant, sauf cas particulier. Sur invitation du dentiste, je retrousse ma manche et plonge mon bras dans les profondeurs buccales de mon cher poney. Outre une langue énorme, je touche du bout du doigt les surdents. Aïe, ça pique !

Pour remédier au problème, le dentiste branche sur une prise de courant une longue tige terminée par une fraise. Pas celle du jardin, mais bien un outil redoutablement efficace, à manier avec précision. Ecrin fait quelques pas en arrière quand l’engin s’introduit à l’intérieur de sa bouche. Au bruit s’ajoute une légère fumée blanchâtre : attention bouche en travaux ! Le dentiste est patient, il n’hésite pas à s’interrompe pour rassurer Ecrin. Je suis étonnée de voir ce grand mammifère, connu pour son instinct de fuite exacerbé, se laisser manipuler sans broncher. Une petite râpe est utilisée pour les finitions, et c’est avec satisfaction que je glisse à nouveau ma main sur des molaires lisses. Le dentiste vérifie une dernière fois l’état des incisives d’Ecrin : 21 ans et toutes ses dents !

S’ils ne connaissent pas l’histoire de la petite souris, les jeunes chevaux perdent néanmoins bien leurs dents de lait (ci-dessus à droite), soit 12 molaires ainsi que toutes les incisives ! Le dentiste extrait celles qui ne tombent pas naturellement. Mis à part les surdents, des dents surnuméraires peuvent apparaître naturellement chez certains sujets (ci-dessus à gauche). Il s’agit des dents de loup pour la mâchoire supérieure et des dents de cochon pour la mâchoire inférieure. Proches des barres, zones dépourvues de dents où se place le mors, elles doivent être arrachées.

Source : Crincrin