Comportement : Monet et Picasso nous prennent-ils pour des pigeons ?
Pour la plupart d’entre nous, il n’est pas évident de discerner les caractéristiques d’une œuvre d’art de façon à la distinguer d’une autre. A moins de nous faire expliquer quel est le style propre à chaque artiste, il faut bien avouer que nous ne sommes pas tous égaux devant le sens artistique. Or les pigeons, eux, n’ont pas réellement ce problème.
En mars 2015, les résultats d’une étude ont démontré que ces oiseaux pouvaient faire le distinguo entre des tableaux de peintres variés y compris en étant confrontés à des toiles qu’ils n’avaient jamais vues auparavant. Les couleurs, les formes, l’épaisseur des traits et la présence ou l’absence d’objets connus présentaient pourtant autant de difficultés à surmonter pour les animaux.
Il semble que le cerveau de ces volatiles souvent décriés fonctionne d’une façon très particulière. En effet, lorsqu’ils voient ces images peintes, ils les classent en différentes catégories. Ils peuvent ainsi associer le style de Monet à celui de Cézanne ou de Renoir ou celui de Picasso à celui de Braque et de Matisse.
Pour mener à bien ces travaux, les chercheurs japonais de l’Université Keio ont soumis les animaux à plusieurs exercices en laboratoire. Dans un premier temps, des tableaux de Monet et Picasso leur ont été présentés sur un écran. S’il s’agissait d’une œuvre du premier, les oiseaux devaient appuyer sur une touche avec leur bec pour obtenir une friandise. Si l’œuvre avait été réalisée par le second en revanche, il n’obtenait rien. Mais fait étonnant, lorsque des toiles inconnues des deux artistes leur ont été présentées sans préparation préalable, ils n’ont pas commis d’erreur pour en identifier l’auteur. Lorsque l’expérience a été menée en récompensant l’identification de Picasso à l’inverse, les résultats ont été tout aussi concluants.
Cependant, les œuvres de Monet présentées à l’envers n’ont pas été identifiées du tout. Les scientifiques en ont conclu que le comportement de cette espèce pouvait être induit par la peinture impressionniste, alors que le mouvement cubiste n’avait aucune influence sur elle. Le fait que les impressionnistes représentent de façon réaliste des objets pourrait expliquer cela, puisqu’une fois inversés, il devenait plus difficile de les reconnaître, contrairement aux formes recomposées produites par Picasso, qui restaient plus aisément identifiables étant donné qu’elles ne correspondaient à aucune forme connue. La rotation bloque le processus de reconnaissance, à la façon d’un bug informatique sur un logiciel, lorsque’un objet réel est représenté.
Toutefois, une autre étude, menée par des chercheurs hollandais cette fois, a mis en évidence la relativité de l’analyse artistique des pigeons, des hésitations ayant été notées entre cubisme et impressionnisme lorsqu’ils étaient mis en présence d’œuvres de Delacroix.
Mais le propos des premiers n’était pas tant de démontrer si ces oiseaux méritaient comme nous d’assister à un vernissage que d’étudier leur perception visuelle du monde. Il avait déjà été démontré leur capacité à différencier les humains les uns des autres. Pour l’heure, si nous ne sommes pas des pigeons, les œuvres d’art, elles, ne font pas la différence.
Sources : «Pigeons discrimination of paintings by Monet and Picasso», Journal of the Experimental Analysis of Behavior (vol. 63, pp. 165-174)
«What does a pigeon see in a Picasso ?», Journal of the Experimental Analysis of Behavior (vol. 69, pp. 223-226)
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