La préservation des grands singes, au cœur des préoccupations du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris
En nous faisant partager la vie des grands singes dans la forêt tropicale avec la présentation de son exposition, le Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) sollicite tout autant notre cœur que notre curiosité pour nous éveiller à leur cause.
Chimpanzés, gorilles et orangs-outans sont en effet en grand danger d’extinction : en cinquante ans, la population des grands singes en Afrique et en Asie a diminué de 70 %…
Devant cet alarmant constat, les primatologues du Muséum se sont mobilisés et se sont investi s corps et âme dans un certain nombre de projets pour préserver les grands singes de la disparition.
Dépendants de leur habitat pour leur subsistance comme pour leur épanouissement familial et social, les grands singes sont directement menacés par les atteintes que l’on porte à leur forêt.
Ils disparaissent parce que la forêt disparaît. La déforestation massive pour l’exploitation industrielle du bois, pour la mise en place de cultures à grande échelle (palmiers à huile, cacaoyers, hévéas, maïs…), ou pour l’exploitation des ressources du sous-sol minier engendre non seulement une réduction de leur habitat mais aussi et surtout une fragmentation.
Plus insidieuse parce que moins visible, cette dernière s’avère très néfaste.
En s’insérant dans la trame de la forêt tropicale, les zones d’exploitation et de culture viennent casser son homogénéité et sa continuité, et la fragmente.
Désormais isolés, retranchés sur des îlots boisés séparés et de dimensions amoindries, les grands singes ne disposent plus de la variété alimentaire nécessaire et suffisante ni de la possibilité de rencontrer d’autres groupes sociaux. Il s’ensuit respectivement un affaiblissement progressif de l’état général ainsi qu’un appauvrissement de la diversité génétique.
Acculés désormais à vivre à proximité des zones de culture, les singes sont tentés de les visiter régulièrement, ce qui les expose à une capture aisée, bien que formellement interdite par la loi. Contraints de vivre à présent en contact étroit avec l’homme qui investit de plus en plus la forêt, les grands singes devenus vulnérables contractent les maladies humaines, qui bien souvent, leur sont fatales.
Face aux conséquences implacables de la détérioration de l’habitat des grands singes, les primatologues du MNHN font preuve d’une inventivité et d’une ténacité remarquables pour les combattre.
L’association l’ONG Hutan fondée par les docteurs vétérinaires Marc Ancrenaz et sa femme Isabelle Lackman entreprend depuis 1996 d’instaurer des « corridors verts » pour restituer la liaison entre les différents morceaux de forêt. En attendant que ces corridors soient opérationnels, Marc Ancrenaz et son équipe a eu l’idée d’installer dans les arbres des ponts de corde pour relier les fragments de forêt et permettre aux orangs-outans de Malaisie, les plus arboricoles des grands singes, de circuler facilement d’une parcelle à l’autre, leur restituant ainsi leur espace vital.
Or, ces ponts jetés ou passerelles ne sont pas bénéfiques qu’aux grands singes. Car recréer des corridors verts, c’est aussi jeter des ponts entre les hommes, entre les primatologues et les populations locales.
En effet, reconquérir des bouts de terrain pour les reboiser, c’est négocier pied à pied et entamer un dialogue de longue haleine avec les propriétaires locaux, afin de les convaincre que l’intérêt des grands singes est aussi le leur.
En faisant circuler ses « malles itinérantes » , l’association Projet pour la Conservation des grands Singes créée par Sabrina et Jean-Michel Krief entend mener un travail de pédagogie auprès des populations locales, spécialement dans les écoles auprès des jeunes enfants, pour tisser un réseau de liens et jeter des ponts entre ces populations, les grands singes et la forêt.
En créant ces passerelles, l’homme ne fait pas que rompre l’isolement des singes. Il rompt également l’isolement des hommes, en faisant circuler l’information pour supprimer l’ignorance et la peur, en établissant le dialogue pour supprimer les malentendus et les conflits, pour faire surgir une véritable coopération. Par exemple, après avoir présenté sa première malle pédagogique, Sabrina Krief a depuis passé le relais à des animateurs locaux formés dans cette perspective,motivés et investis dans la préservation de leur patrimoine. Cinq malles itinérantes voyagent actuellement de villages en villages à travers l’Ouganda et le Gabon.
C’est également avec des partenaires ougandais que le Muséum d’histoire naturelle de Paris a construit sa première station d’étude à Sébitoli dans le parc de Kibale. Inaugurée en novembre 2014 par Sabrina Krief, cette station se propose d’étudier les maladies transmissibles de l’homme au singe et vice-versa. Laboratoire de recherche, cette station est également un lieu d’accueil et de sensibilisation où chercheurs, population locale et écotouristes peuvent se rencontrer et échanger. La station de Sébitoli se veut aussi un lieu sensible où se noue tout un réseau de transmission de connaissance, de passion et de conviction.
Enfin, ancrée au Muséum, l’exposition « Sur la piste des grands singes » jette un pont entre le grand public et les actions menées sur le terrain. Outre la visite de l’exposition dont le coût est reversé tout ou partie aux actions en faveur de la préservation des grands singes, le grand public a la possibilité d’écouter les primatologues témoigner et d’échanger avec eux en assistant au cycle de conférences qui se déroule au Muséum en parallèle. Lieu de sensibilisation par excellence à la cause des grands singes, de la forêt et des populations locales, inscrite et enracinée dans le berceau même qui a vu naître cette aventure humaine passionnée, l’exposition espère polariser à sa source un auditoire toujours plus large, dont la bienveillance et l’approbation seules peuvent assurer l’avenir partagé de la forêt, des grands singes et des populations locales.
Source : Christine
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