Sans queue ni tête, le ballet aérien des étourneaux
En hiver, dans les campagnes aux abords des villes, les étourneaux sansonnets ont coutume de se rassembler en une gigantesque nuée au coucher du soleil. Il n’est pas rare d’avoir le bonheur d’assister aux étranges et fascinantes acrobaties aériennes auxquelles se livrent ensemble ces oiseaux grégaires avant de rejoindre leur dortoir.
Pouvant dépasser le millier d’individus, le nuage ainsi constitué subit une série de déformations caractéristiques. Alternant successivement les contractions et les dilatations, les resserrements et les étirements, le groupe d’étourneaux semble être en proie à l’hésitation, comme s’il cherchait la direction à suivre. Ses revirements brusques et ses volte-face soudaines lui donnent une allure désordonnée. Ce ballet fantasque semble n’avoir ni queue ni tête.
La distorsion subite du nuage compact n’est pas la manifestation d’une déroute collective et n’aboutit pas à la dispersion des oiseaux. Cette distorsion suggère une structure « auto-organisée » dont le moteur n’est pas tant une perturbation extérieure que l’interaction dynamique qui relie les étourneaux entre eux à l’intérieur de la nuée. Chaque oiseau influence et subit l’influence de tous les autres à chaque instant. A l’intérieur du nuage, les étourneaux ne se dirigent pas à l’aveugle, mais chacun s’oriente à vue en suivant son congénère le plus proche et en cherchant à rejoindre l’espace laissant passer le plus de lumière. C’est en effet en programmant des oiseaux de synthèse selon ces deux données qu’une équipe de chercheurs de l’université de Warwick (Royaume-Uni) a pu modéliser avec succès le vol des étourneaux. Dès qu’un oiseau modifie sa trajectoire ou sa vitesse, tous les autres modifient leur comportement par contamination, motivés par ces deux principes.
Loin d’être un ballet fantasque, le vol groupé des étourneaux est au contraire une chorégraphie complexe et cohérente dont le secret nous échappe encore. Coordonnée de l’intérieur, cette chorégraphie n’est pas seulement organisée, elle est surtout optimisée. La nuée ne peut en effet conserver sa cohésion qu’en maintenant une densité optimale et en synchronisant les réactions de tous les oiseaux.
La mouvance si particulière du nuage d’étourneaux est la réponse collective optimale que ces oiseaux peuvent proposer pour parer l’attaque éventuelle d’un prédateur comme un rapace par exemple. En lui opposant une masse gigantesque et compacte et en réagissant comme un seul « homme », ils peuvent dissuader l’oiseau de proie d’attaquer. Mais en laissant filtrer la lumière de manière optimale, ils multiplient pour eux-mêmes les angles de vue, multipliant par là même leurs chances de survie en voyant arriver le prédateur.
Il semble que cette chorégraphie aérienne si brillamment réglée ne soit pas le fruit d’un apprentissage, mais plutôt une réponse instinctive inscrite dans le patrimoine génétique hérité de l’évolution. Ce qui n’enlève rien au plaisir des yeux.
Sources :
http://www.sciencesetavenir.fr/
http://rhuthmos.eu/
http://fr.wikipedia.org/
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