Le sourire de la salamandre géante du Japon (Andrias japonicus)
L’Urodèle géant répondant au doux nom d’Andrias japonicus est l’un des plus grands Amphibiens de notre planète. Pouvant dépasser le 1,20 mètre et atteindre les 25 kilos, ce monstre lacustre aux allures de fossile vivant hante les eaux douces japonaises.
A la mesure de son gabarit, un large sourire vient illuminer son énorme face aplatie, dévoilant et préservant tout à la fois le mystère de sa nature et de son attrait.
La largeur de son sourire dévoile l’ampleur de son appétit vorace, en découvrant une mâchoire aux dimensions impressionnantes incrustée d’une double rangée de dents petites mais à la prise tenace.
Pouvant s’ouvrir indépendamment d’un côté comme de l’autre et créer ainsi une dépression, possédant une élasticité et une détente surprenantes, la mâchoire hilare de notre salamandre géante ne laisse aucune chance aux poissons, mollusques et autres petits crustacés qui passent à sa portée. Ceux-ci se retrouvent littéralement happés et aspirés avec une force prodigieuse.
Avec son sourire de prédatrice, Andrias japonicus est tout aussi capable de s’attaquer à un congénère en maintenant fortement sa tête dans l’étau serré de ses mâchoires. Gare à l’imprudent ou au téméraire qui aurait l’outrecuidance de s’approcher un peu trop près de sa progéniture…Car le mâle, qui exerce l’autorité parentale, a l’instinct paternel très développé…
De cannibale à croqueuse d’homme, il n’y a qu’un pas, qui est franchi allègrement par l’homme en proie à son imagination débordante.
Le gabarit et la voracité de l’animal en imposent et il semble à l’homme qu’il ait trouvé un adversaire à sa mesure.
On raconte qu’au XVII ème siècle, un guerrier japonais, Hikoshiro, tombe nez à nez avec Hanzaki, une salamandre géante de 10 mètres de long qui vit dans la rivière ondulant à travers la ville de Yubara. Englouti sans façon par le monstrueux amphibien, Hikoshiro parvient à s’extirper de son estomac en le lacérant de son sabre, et à vaincre la bête en la hâchant menue.
Objet de vénération depuis des siècles et depuis peu objet d’étude, notre salamandre se rit volontiers de nos projections inconscientes ou conscientes sur sa personne. Avec son sourire énigmatique de Joconde, elle sait préserver son mystère et attiser follement notre imagination ainsi que notre curiosité.
Car la réalité est tout autre. Andrias japonicus entretient des rapports pacifiques avec l’homme et ne manifeste aucune agressivité à son égard.
Preuve en est l’histoire de Liliane Amadrouz, une Genevoise de 76 ans qui, en 2014, a fait don au Vivarium de Lausanne de Miuki, sa salamandre japonaise de 1,30 mètre de long, après 45 ans de vie commune sans histoire. Miuki avait vu son bassin s’agrandir au fur et à mesure de sa croissance dans le jardin de la propriété…
Toutefois, les amateurs éventuels d’un tel pensionnaire seront déçus. Car depuis 1952, la salamandre géante du Japon est non seulement protégée mais aussi déclarée trésor national.
Si, dans la nature, il est interdit de la capturer, il n’est plus possible non plus pour un particulier d’acquérir un spécimen d’élevage. Il est même interdit de toucher (sans autorisation spéciale) sa peau fine et fragile, dont les plis lui permettent de respirer… En effet, très facile à attraper, victime de l’excellence et de la finesse de sa chair, et de la concurrence déloyale de sa grande et agressive cousine chinoise (Andrias davidianus) introduite illégalement dans les années 70 à 80, la salamandre endémique du Japon est devenue une espèce vulnérable et menacée.
En interrogeant le sourire à la fois doux et moqueur de notre amphibien géant, nous pourrions découvrir que derrière la fascination et l’attrait exercés par l’animal réel confinant au mythe, se cache un sentiment plus ambivalent de la part de l’homme. Bien plus ancien que notre espèce, présent sur la terre depuis 200 millions d’années, cet amphibien sorti du fond des âges, encore mal connu, possèderait également une longévité présumée exceptionnelle, puisqu’elle avoisinerait… les 150 ans ! Quand on songe que le squelette de salamandre géante fossile (Andrias scheuchzeri), exhumé en 1726, a d’abord été pris spontanément pour un squelette d’humain témoin du Déluge (Homo diluvii testi), il n’est pas interdit de penser que nous lui envions un peu son secret d’éternité.
Sources :
http://www.tdg.ch/
http://news.bbc.co.uk/
https://fr.wikipedia.org/
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