Deux clapiers pour un accord parfait
Dans la galerie de Hong Kong Platform China, qui exposait jusqu’au 28 février dernier une dizaine d’œuvres réunies sous le vocable de « Hong Kong Bestiary », on a pu remarquer la présence de deux clapiers de lapins, œuvre de l’artiste Adrian Wong.
Il s’agit de la réplique en carton des clapiers conçus pour ses lapins Michael et Ernesto. Le désaccord qui règne entre Michael et Ernesto est à l’origine de la construction de ces clapiers, dont le but initial est d’améliorer leur bien-être et d’apaiser leur rivalité. Réalisée avec l’aide d’un ingénieur, la construction des clapiers d’Adrian Wong est à la fois complexe, ingénieuse et judicieuse. « C’est une vraie architecture construite, élaborée, avec des espaces intérieurs et extérieurs, une circulation d’air sophistiquée, une tour, des passages pour les glissades, des coins plus sombres pour se retirer, ici un couloir en accordéon pour communiquer entre deux blocs… », souligne Caroline Ha Thuc, commissaire de l’exposition.
Jusque-là, pas de quoi pavoiser. Ces clapiers, aussi élaborés soient-ils, semblent uniquement conçus dans un souci d’augmenter la qualité de vie des deux lapins de compagnie et d’assurer leur épanouissement.
Ce qui fait le caractère exceptionnel de ces clapiers « sur mesure », c’est qu’ils ont été « conçus par télépathie », comme l’assure le titre donné par l’artiste. C’est à partir du cahier de doléances de ses lagomorphes obtenu par transmission de pensée, que ces habitacles ont pu être élaborés. Ce qui explique également pourquoi les deux clapiers ne sont pas identiques, reflétant et respectant les desiderata de chacun des lapins. En fait, Adrian Wong n’expose pas son œuvre, mais bien celle de ses lapins. En transposant leurs désirs dans l’espace tridimensionnel, l’artiste leur donne l’occasion de faire entendre leur propre voix.
Il semble bien que « télépathie » soit le maître-mot de l’appellation de l’oeuvre, quel que soit le degré d’adhésion de l’artiste aux expériences extra-sensorielles. Car l’expérience de la transmission de pensée semble être surtout une source d’inspiration précieuse pour Adrian Wong. Dans le travail que représente l’élaboration de ces deux clapiers, l’artiste s’efface au profit de ses lapins, revendiquant plutôt une restitution qu’une conception, et assurément moins une création qu’une transmission.
Depuis des siècles, nous faisons parler les animaux des fables pour parler de notre monde d’humains, pour exprimer nos propres ambitions comme nos propres désillusions. Dans une époque où le bien-être et l’épanouissement des animaux est de plus en plus mis à l’honneur, il n’est que temps d’essayer dans la mesure du possible de briser le carcan de l’anthropocentrisme pour leur laisser donner le ton. Même si cette tentative demeure en grande partie illusoire, il semble qu’elle cherche autant à réaccorder l’animal avec lui-même que l’homme avec l’animal.
Sources :
http://www.consulfrance-hongkong.org/
http://www.lemonde.fr/
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