L’auto-médication chez les animaux (deuxième partie) : un comportement plein d’enseignement
Outre les maux externes, les animaux savent également soulager et guérir les désordres digestifs et les invasions de parasites intestinaux.
Des chercheurs ont été intrigués par le fait que les chimpanzés de Tanzanie roulaient et avalaient tout rond sans les mâcher les feuilles de l’aspilia. En les étudiant, ils se sont rendus compte qu’elles soulageaient les maux d’estomac et possédaient même une propriété anti-paludique.
Les chercheurs ont également remarqué qu’occasionnellement ces mêmes chimpanzés mâchaient longuement et absorbaient le jus des feuilles et de l’écorce de la vernonia amygdalina, plante extrêmement amère et fibreuse. Ils ont ainsi découvert l’action vermifuge et fébrifuge de cette dernière. Il semble bien que nos chimpanzés choisissent leurs plantes-remèdes en fonction de leurs vertus singulières.
Certains animaux sont capables d’absorber un contre-poison pour contrebalancer l’effet nocif des plantes ou des graines qu’ils ingèrent. C’est le cas des perroquets d’Amérique du Sud qui consomment de l’argile parce qu’ils mangent des fèves de cacaoyers ou des grains de caféiers, toxiques pour eux. C’est encore le cas des singes capucins qui raffolent des feuilles d’amandiers susceptibles de les rendre malades et absorbent en parallèle du charbon de bois.
Et que dire du joli papillon Monarque qui dépose ses oeufs sur les feuilles d’une plante de la famille des asclépiades ? Objet de toutes les attentions à l’université d’Emory à Atlanta, ce lépidoptère est très souvent infesté de parasites internes qu’il transmet à ses larves. Eh bien, le Monarque donne à manger à ses larves une asclépiade bourrée de cardénolides dont la toxicité ne nuit pas à la santé de la larve, mais la débarrasse de ses parasites et même de ses prédateurs éventuels puisqu’elle devient immangeable pour eux ! Les chercheurs de l’université ont procédé à l’expérience suivante : ils ont proposé deux types de plantes (l’asclépiade et une autre plante sans cardénolide) à des femelles infestées de parasites et à d’autres non infestées. Résultat, les femelles non infestées ont choisi de déposer leurs oeufs de manière aléatoire sur l’une ou l’autre plante, mais les femelles infestées ont toutes choisi l’asclépiade pour déposer leurs oeufs ! Le choix de la plante adaptée à leur état n’est donc pas le fruit d’une coïncidence. C’est la première étude du genre qui démontre l’automédication chez les animaux, jusque là simplement observée.
Mais comment savent-ils ce qui est bon pour eux ? Comment peuvent-ils reconnaître leur état et connaître les plantes qui le guérissent ? Ceci reste un mystère. Mais on peut tout de même soulever un coin du voile…
Il est vraisemblable que la sélection naturelle ait joué un rôle, et que les animaux qui ont consommé par hasard les bonnes plantes ou absorbé les bons minéraux, aient guéri et eu tendance à survivre plus facilement que les autres.
L’instinct animal n’est pas suffisant pour expliquer ce comportement, preuve en est que nos animaux de compagnie sont la plupart du temps incapables de distinguer les plantes dangereuses pour eux à la maison.
Dans la nature, on observe que les jeunes font souvent des erreurs. Mais ils apprennent à observer leurs parents et à consommer comme eux, pour survivre. L’apprentissage et la transmission du savoir joueraient donc un grand rôle dans l’acquisition des connaissances thérapeutiques du milieu ambiant.
Observer les animaux se soigner et s’intéresser aux plantes et aux substances qu’ils utilisent à des fins thérapeutiques n’est pas simplement passionnant pour l’homme, cela s’avère de surcroît très instructif.
D’une part, cela permet de redécouvrir la médecine traditionnelle des populations autochtones, qui utilisaient souvent la même pharmacie que les animaux qu’ils côtoyaient. Comme les phoques, les matelots du Moyen-Age se confectionnaient un matelas de varech pour se prémunir contre les infections. Absorber de l’argile pour éliminer les toxines était une pratique commune aux Indiens des Andes et aux oiseaux. En Afrique, les éléphantes et les femmes sur le point d’accoucher utilisaient les propriétés analgésiques de la même plante (la boraginaceae) pour faciliter le travail. Malheureusement, la mise en place de la protection des animaux a interdit l’accès de la forêt aux autochtones, et ils ont perdu peu à peu leurs traditions d’herboriste. La redécouverte de ce savoir oublié permet la revalorisation de ces plantes et la préservation de tout un éco-système. En Ouganda, un jardin de plantes utiles commun aux hommes et aux animaux a été créé et continue de se développer pour renouer avec ce savoir très ancien, le conserver et le transmettre aux jeunes générations.
D’autre part, en analysant les plantes curatives utilisées par les animaux, l’homme a pu isoler et découvrir de nouvelles molécules jamais décrites jusqu’à présent, et d’un grand intérêt pour l’avenir de la santé humaine. Sabrina Krief, chercheuse enseignante au Muséum d’Histoire Naturelle qui observe les grands singes en Ouganda depuis une dizaine d’année et étudie leur régime alimentaire, est à l’origine de la découverte de ces molécules .
En étudiant la plante trichilia rubenscens, on a pu isoler une molécule à l’action anti-paludique, et en analysant l’écorce de l’albizia grandibracteata, on a découvert une molécule anti-cancéreuse et une molécule anti-parasitaire. Il n’est pas toujours facile de synthétiser ces molécules particulièrement complexes, mais c’est le but que se propose aujourd’hui la recherche, qui espère un jour rendre ces molécules utiles à l’homme.
Il n’est pas dit que nos médicaments de demain ne doivent pas une fière chandelle à la pharmacopée de nos si troublants cousins.
Sources :
http://sciencesetavenir.nouvelobs.com/
http://journalmetro.com/
http://www.savoirs.essonne.fr/
http://fr.wikipedia.org/
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