Barry le lamantin, lamentation funèbre
Barry, le jeune lamantin de trois ans installé dans la grande serre tropicale du nouveau Parc Zoologique de Paris (anciennement zoo de Vincennes), s’est accidentellement noyé le 11 août dernier dans son bassin. Comment cela est-il possible ? Comment un mammifère marin si parfaitement ajusté à la vie aquatique a-t-il pu terminer de la sorte ?
Notre jeune lamantin a sans doute été victime de sa curiosité et de son goût pour l’exploration. Il s’est retrouvé coincé dans une galerie technique sous-marine « normalement fermée par une porte », à laquelle il n’aurait pas dû avoir accès. Il n’a donc pas pu remonter pour respirer, comme il le fait habituellement toutes les cinq ou dix minutes. A l’instar des marins navigateurs des épopées mythologiques, notre jeune ami né au pays du conteur Andersen s’est laissé séduire par le chant des sirènes et entraîner dans un monde qui n’était pas fait pour lui. Ce qui est un vilain tour du destin, quand on y songe, pour un membre de l’ordre des siréniens, ces mammifères marins dont le chant s’apparente à une lamentation et dont la silhouette fuselée et rebondie a donné corps au mythe… des sirènes !
Fraîchement débarqué et acclimaté à son nouvel environnement « flambant neuf » depuis le 8 juillet dernier, Barry le lamantin est pourtant vivement regretté tant par le personnel du parc zoologique que par le public. Broutant pacifiquement ses quelques 50 kg de laitues quotidiennes avec une bonhomie placide et désarmante, cette « vache de mer » aux allures pataudes, sympathiques et aux manières familières aura conquis plus d’un cœur…
Il ne reste plus que trois mille spécimens de lamantins à travers le monde. Abondant pendant des siècles dans les eaux littorales peu profondes, les embouchures des fleuves et les marais côtiers des Antilles, de l’Amazonie et de l’Afrique, le lamantin s’est raréfié de manière spectaculaire et alarmante, victime autrefois d’une chasse intensive et maintenant de la réduction de son habitat ainsi que du trafic maritime.
De plus, le lamantin possède un défaut dans sa cuirasse. Sa longue espérance de vie d’une trentaine d’années, sa masse imposante, sa puissance et son apparente robustesse dissimulent en fait une grande vulnérabilité. En raison d’un métabolisme très bas et en dépit de sa couche de graisse, il ne survit pas dans une eau dont la température est inférieure à 20°C. Il se reproduit également lentement (un petit tous les trois ou cinq ans) sous certaines conditions.
C’est pourquoi le Parc Zoologique de Paris a à coeur de maintenir un programme de conservation et de préservation de cette espèce en voie d’extinction en son sein. Dès que l’enquête en cours aura déterminé les causes précises du décès de Barry et aura permis d’éliminer tout danger potentiel, un autre lamantin provenant du programme d’élevage européen (EEP) viendra rejoindre Tinus, l’autre lamantin bien portant du parc. Souhaitons, avec Alexis Lécu, le directeur scientifique et vétérinaire en chef du parc zoologique, que l’histoire navrante de Barry ne se reproduise pas ailleurs, qu’elle « serve de leçon » et devienne un exemple phare …
Sources :
http://leplus.nouvelobs.com/
http://www.lemonde.fr/
http://www.larousse.fr/
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