Tripoxylus dichotomus, le scarabée-rhinocéros japonais
Le Trypoxylus dichotomus (anciennement Allomyrina dichotoma) est un coléoptère originaire d’Asie qui appartient à la famille des Dynastinae ou scarabées-rhinocéros.
Gros insecte à la carapace chitineuse et vernissée dont la couleur varie du brun rouge au noir, il possède un dimorphisme sexuel très marqué. Le mâle adulte, dont la taille peut atteindre 8 cm, est en effet armé d’une corne céphalique en forme de Y, doublée d’une corne thoracique lui permettant de combattre ses rivaux durant la saison des accouplements.
Son cycle de vie est annuel, avec une durée de vie larvaire souterraine assez longue (7 à 8 mois). La larve se nourrit de bois en décomposition. Après sa métamorphose en nymphe puis en insecte, ce coléoptère se laisse facilement observer d’avril à juillet en plaine comme en montagne. Se reposant à l’ombre sur les troncs des arbres dans la journée, il s’éveille au crépuscule pour aller se nourrir de sève ou de nectar, et voleter autour des lumières urbaines.
Les Japonais vouent un véritable culte à ce scarabée cornu depuis les temps féodaux. Longtemps considéré comme un être divin, ses cornes « guerrières » ont inspiré les ornements des casques de samouraïs. Cet attribut ne jouait pas simplement un rôle ornemental destiné à impressionner l’adversaire mais également celui d’un talisman : le guerrier samouraï s’appropriait ainsi la force et l’esprit combatif du scarabée tout en se mettant sous sa protection. C’est pourquoi les Japonais appellent ce scarabée le kabutomushi, « kabuto » signifiant casque de samouraï et « mushi » l’insecte.
De nos jours, cette vénération s’est muée en une passion profane qui demeure cependant extrêmement vive. Le kabutomushi est présent partout, et s’insinue dans tous les aspects de la vie quotidienne des Japonais. Jeux vidéos, dessins animés, robots, tee-shirts, coques de téléphones portables ou timbres-postes trahissent l’engouement inconditionnel pour ce coléoptère devenu un véritable phénomène de mode.
Le kabutomushi est cependant plus qu’une icône esthétique. Il est aussi un animal de compagnie très apprécié et partage l’intimité domestique de chaque foyer. Tout japonais élève au moins une fois dans sa vie un kabutomushi, et l’élevage ainsi que le commerce systématiques de ce scarabée-rhinocéros se sont transformés en une véritable industrie. Tout est prévu pour accompagner le kabutomushi depuis l’éclosion de l’oeuf jusqu’au stade adulte, avec substrats et champignons pour l’élevage des larves, terrariums portatifs, ainsi que la fameuse « beetle-jelly », pot de gelée aux fruits nourrissante, enrichie en acides aminés et sels minéraux, parfaitement adaptées aux besoins nutritifs des spécimens adultes.
Les Japonais élèvent des kabutomushis car ils raffolent des combats entre mâles. Ils organisent régulièrement des « joutes » qui exercent une attraction sans égal sur un public tout acquis à leur cause. Ces joutes peuvent même donner lieu à des émissions télévisées retransmises à l’échelle nationale qui sont commentées avec passion. L’enthousiasme quasi extatique soulevé par ces tournois trouve son origine d’une part dans l’admiration suscitée par la force herculéenne du scarabée-rhinocéros, capable de soulever un adversaire plus lourd que lui comme une plume à l’aide de ses deux cornes et de le projeter dans le vide, et d’autre part dans la fascination exercée par les dimensions impressionnantes de la corne céphalique.
Si d’ailleurs cette dernière semble concentrer depuis la nuit des temps les fantasmes masculins de force, de virilité et de puissance, elle a en réalité une fonction tout autre auprès de celle à qui elle est destinée initialement. Pour la femelle, un mâle équipé d’une corne céphalique surdimensionnée affiche son excellente santé. Car on sait maintenant que la croissance de la corne exige un effort supplémentaire de la part de l’organisme qui la fabrique et une demande particulièrement forte en certains acides aminés. Une corne imposante suppose donc un corps en pleine forme et particulièrement bien nourri.
A quand le kabutomushi chez nous ? Il est peu probable que la législation française voit d’un bon œil l’importation massive d’une espèce étrangère pouvant se révéler invasive et dangereuse pour les espèces autochtones. Il est en revanche possible d’élever son cousin européen, le scarabée-rhinocéros oryctes nasicornis, à condition que cela soit à des fins personnelles, en petits effectifs, à but non lucratif et sans présentation au public. Les joutes françaises organisées de générations de cuirassés cornus ne sont donc pas pour demain.
Sources :
http://fr.wikipedia.org/
http://ateliers.revues.org/
http://www.insectes.org/
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