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    Art orienté objet au musée de la chasse et de la nature à Paris, ou l’art de la symbiose

    Art orienté objet au musée de la chasse et de la nature à Paris, ou l'art de la symbioseArt orienté objet colonise actuellement le musée de la Chasse et de la Nature à Paris. On peut se demander pourquoi un hôtel particulier du XVIII ème siècle consacré à l’art de la chasse, avec ses rangées de fusils anciens et sa belle ordonnance de trophées « empaillés », se laisse envahir par cette exposition nomade dont la connotation fantastique et transgressive paraît antinomique.

    Ses oeuvres contemporaines et surréalistes ainsi que le message qu’elles véhiculent semblent en effet contredire point par point les certitudes séculaires qui règnent en place.

    Certes, les deux artistes engagés dans la cause animale ne se privent pas de mettre « Les pieds dans le plat » en exposant dans la salle d’armes un trophée revisité de bison martyr dont la race a été exterminée par l’homme. De même, leurs installations « Transe Fusion » et « la chasse mazzera » placées respectivement dans le salon bleu et le salon de compagnie monopolisent toute l’attention des visiteurs avec leurs faisceaux éblouissants de lumière blanche au point d’éclipser les autres objets dans les pièces.

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    Mais ils savent tout autant se mettre en osmose avec le milieu ambiant au point de passer complètement inaperçus pour un regard inattentif. Dans la salle des trophées, les têtes de panda et de tigre accrochées au mur se fondent parfaitement dans le décor au milieu des autres ornements de chasse. De même, l’orgue de barbarie fabriqué avec des appeaux ne dépare en aucune façon le cabinet dédié à ces mêmes instruments d’affût.

    Art orienté objet au musée de la chasse et de la nature à Paris, ou l'art de la symbioseArt orienté objet au musée de la chasse et de la nature à Paris, ou l'art de la symbiose

    Mais pour celui qui se montrera suffisamment attentif pour les repérer, une signification nouvelle s’ouvrira pour eux. Le panda et le tigre ne sont pas des trophées naturalisés ordinaires mais des sculptures en résine recouvertes de tricot. Animaux protégés emblématiques parce qu’en voie de disparition, le tigre et le panda ne sont plus des conquêtes exposées en ornement comme un signe de puissance et de domination, mais des oeuvres artistiques lançant un appel à la préservation de la vie. Il en est de même pour les appeaux dont l’utilisation est détournée au profit de la vie animale. « La machine à prévenir les oiseaux que le vent se lève » est une éolienne qui, entraînée par le vent, fait jouer les appeaux composant l’orgue de barbarie. Ces appeaux sifflent non pas pour attirer et piéger les oiseaux, mais au contraire pour les avertir d’un danger et leur sauver la vie.

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    Il n’y a ni contradiction ni incohérence dans cette façon de procéder pour Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin. Accaparer l’attention ou au contraire jouer à cache-cache, sont deux manières différentes de parvenir à leurs fins. Dans les deux cas, ils empêchent le visiteur de s’endormir sur ses acquis et le maintiennent en éveil.

    Mais plus que tout, Art orienté objet aspire à nous faire pénétrer dans le jardin des délices où l’homme et l’animal connaissent une proximité et une intimité troublantes tout autant que fascinantes. S’inspirant du rituel chamanique auquel Marion Laval-Jeantet a été initiée, Art orienté objet nous donne à voir les liens fusionnels invisibles qui unissent l’homme à l’animal. « Cœurs de verre » et Transe Fusion » sont le prolongement de l’expérience dangereuse vécue par l’artiste elle-même au cours de laquelle elle se fait injecter du sang de cheval dans les veines.

    Art orienté objet au musée de la chasse et de la nature à Paris, ou l'art de la symbiose

    Art orienté objet est une plante vagabonde qui monte à l’assaut de l’écorce solide du musée de la chasse à la manière d’un lichen ou d’une orchidée épiphyte qui investirait un arbre en puisant eau et nutriments sur son tronc ou au détour d’une branche. Tel un lichen ou une orchidée, Art orienté objet a besoin d’un support pour s’épanouir mais ne l’étouffe pas pour autant. La plante épiphyte et son hôte se vivifient l’un l’autre et s’apportent mutuellement.

    « La peau de chagrin » représente un ours polaire en résine revêtu de tricot littéralement en train de fondre sous un ciel de lumière aveuglante et irradiante composé de mille ampoules. Cet ours en détresse porteur de la crainte du réchauffement climatique n’aurait pas tout son sens sans la présence de son homologue naturalisé du musée qui semble accueillir les visiteurs. De même, la dépouille couchée de cerf métamorphosée en cornemuse et gonflée par le propre souffle des artistes ne prend toute sa signification qu’en dialogue avec son alter ego naturalisé dressant fièrement sa ramure. Désormais ce n’est plus l’acte de domination sur l’animal qui importe, mais le fait de prendre conscience que cette vie est fragile et qu’il dépend de nous de la faire perdurer.

    Art orienté objet au musée de la chasse et de la nature à Paris, ou l'art de la symbioseArt orienté objet au musée de la chasse et de la nature à Paris, ou l'art de la symbiose

    Tel un lichen, Art orienté objet est un bio-indicateur de la qualité de l’environnement ambiant et des consciences. Il ne peut s’accrocher et prospérer si le support est malade ou nécrosé. Sa présence est donc signe de bonne santé. Loin de paralyser ou de détruire, l’épiphyte enrichit le milieu de son hôte des échanges vitaux de son propre écosystème. Il y a fort à parier que les « Coeurs de verre », ou encore le « Cornebrame », créés spécialement pour cette exposition, resteront en place dans le musée…

    Si l’on réfléchit bien, la démarche du musée possède bien plus d’affinités qu’il n’y paraît avec la singularité de l’entreprise nourrie de chamanisme des deux plasticiens, et n’est pas dénuée de risque non plus. En invitant Art orienté objet en ses murs et en lui laissant carte blanche, qu’a fait d’autre le musée, finalement, que de s’exposer à l’influence et à l’emprise d’une plante « magique » a priori incompatible et nocive pour lui, de se mettre en quelque sorte en danger, pour exacerber et renouveler ses perceptions, ses états de conscience, et trouver un supplément de sens ? C’est sans doute le secret d’une symbiose réussie.

    Art orienté objet au musée de la chasse et de la nature à Paris, ou l'art de la symbiose

    Source : Christine

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