La nutrition des psittacidés en captivité (première partie) : stratégie et opportunisme dans la nature
Offrir une alimentation adaptée aux psittacidés en captivité n’est pas toujours chose aisée. Malgré tous nos efforts, les carences les guettent au point parfois d’écourter leur fameuse longévité. Le Docteur vétérinaire David Gomis, actuellement directeur technique du zoo de Montpellier, est venu nous apporter ses lumières lors de la quatrième édition des Journées du Perroquet.
Dans la nature, certaines espèces consomment jusqu’à quatre-vingt essences végétales différentes (fruits, graines, fleurs, feuilles, herbes, écorces…etc.). Il est clair qu’en captivité, les rations alimentaires proposées ne pourront jamais égaler en richesse et en diversité les rations naturelles. Fruits et légumes de saison seulement, mélanges de graines et extrudés industriels constituent le seul ensemble dont nous disposons pour parvenir à satisfaire les besoins nutritionnels spécifiques de perroquets aussi différents qu’un Cacatoès, un Eclectus ou une Amazone. Cependant, il est possible, en s’inspirant de l’écologie alimentaire d’une part, et en connaissant vraiment les avantages et faiblesses de ce dont on dispose d’autre part, d’ajuster et équilibrer les proportions de la combinaison tripartite à notre disposition, pour proposer une ration appropriée qui comblerait au mieux les exigences nutritionnelles de nos perroquets.
La coutume veut que l’on classe les perroquets en granivores, frugivores et nectarivores. En les observant dans la nature, on découvre que les nectarivores ne consomment pas seulement du pollen et du nectar, mais qu’ils ajoutent également des fruits à leur menu et ne dédaignent pas les insectes, à l’occasion. Les frugivores, quant à eux, sont d’emblée des granivores et insectivores « opportunistes ». Enfin, les granivores complètent leur menu avec des fruits, des insectes, des mollusques et peuvent même se transformer en charognards à l’occasion ! Contrairement à ce que suggèrent les étiquettes qui leur sont d’ordinaire attribuées, les perroquets ont besoin de protéines, particulièrement quand ils muent ou quand ils sécrètent le lait de jabot.
Les vraies différences ne se situent pas là où on les imagine. Les fruits dont se nourrissent les perroquets se divisent en deux catégories : les fruits mous ou juteux à « nutrition diluée » et les fruits à « nutrition dense »(comme les dattes ou les noix de toutes sortes). Les frugivores consomment plutôt les fruits juteux, les nectarivores uniquement les fruits juteux, et les granivores les fruits denses. Surtout, la consommation d’un type de fruit présuppose la capacité de le digérer et donc une adaptation physiologique. La différence n’est pas tellement dans la nature des régimes alimentaires qui ont tendance à interférer, mais plutôt dans la morphologie interne particulière qui en résulte chez ces oiseaux.
Les consommateurs de fruits juteux ont un transit très rapide ; ils assimilent le glucose et le fructose, mais digèrent moins bien les lipides, les fibres et les glucides complexes, d’où l’appellation de fruit pauvre. Il est nécessaire d’en consommer une grande quantité et une grande variété pour assimiler les nutriments indispensables. Les consommateurs de fruits denses (ou fruits riches) ont un transit plus lent ; ils digèrent mieux les lipides, ce qui leur donne une efficacité enzymatique plus grande en assimilant entre autres les éléments nutritifs comme les vitamines liposolubles et les caroténoïdes.
Ces « régimes » alimentaires sont aussi des « stratégies » alimentaires. Les perroquets doivent s’adapter et se montrer astucieux pour exploiter finement la moindre ressource de leur biotope, tout en déjouant la compétition de leurs rivaux. Ainsi, certains se sont spécialisés dans les fruits verts qui ne sont pas encore parvenus à maturité pour pouvoir les manger avant les autres, et vont ensuite absorber de l’argile pour neutraliser les tanins toxiques répandus dans leur organisme. L’observation et la connaissance de ces tactiques et de ces interactions dans leur milieu naturel sont extrêmement éclairantes pour nous. Nous en inspirer est le meilleur moyen de parvenir à satisfaire les besoins nutritionnels de nos compagnons en captivité.
Source : Christine
Laisser un commentaire