Empreintes fossiles, comme des étoiles au firmament des Ages
Imprimées sur notre bonne vieille Terre il y a des milliers d’années, les empreintes fossiles qui parviennent jusqu’à nous sont autant d’astres qui brillent dans le ciel nocturne de notre Préhistoire.
Elles nous aimantent avec la même force que les étoiles, car elles nous apparaissent comme des signes mystérieux qui nous éclairent et nous guident, et dont il faut décrypter le sens.
Comme les astres, les empreintes fossiles captent notre regard, nous invitent à l’observation aussi bien qu’à la contemplation.
L’étude minutieuse des traces laissées par les formes de vie disparues (ou ichnologie) nous conduit à établir une « carte du ciel » du sol paléolithique, une trace n’étant vraiment significative que mise en relation avec d’autres. Une fois les ensembles dégagés et les « constellations » mises en évidence, nous essayons de mettre au jour l’intérêt que revêt cette topographie emblématique.
La piste des empreintes de Laetoli en Tanzanie laisse apparaître trois groupes d’empreintes parallèles de pieds préhumains (Australopithèques) ainsi qu’une piste d’empreintes d’herbivore et une autre de carnivore.
Parmi les empreintes préhumaines, un groupe se distingue par la petitesse de ses empreintes, tandis que le troisième se superpose au le second.
La découverte de cette piste nous apprend objectivement qu’il y a 3 700 000 ans avant le présent (c’est la datation de la couche géologique recouverte de cendres volcaniques dans laquelle les traces étaient enfouies), les Australopithèques pratiquaient la bipédie avec aisance, contrairement à ce que l’on pensait.
Mais rien ne nous autorise scientifiquement à dire que nous sommes en présence d’une mère mettant ses pas dans ceux du père tenant son enfant par la main, en route vers un point d’eau, accompagnés d’herbivores et de carnivores.
Et cependant notre imagination nous souffle allègrement à l’oreille de sauter le pas.
Dans les grottes paléolithiques situées dans l’Ariège en France, on trouve mêlées aux empreintes humaines des empreintes d’ours des cavernes ou de canidés. Là encore, notre esprit n’a qu’un pas à franchir pour imaginer les combats violents qui ont pu opposer les hommes aux ours géants ou aux loups pour la possession des grottes.
L’étude des substrats géologiques de ces grottes révèlent qu’elles datent du Magdalénien (entre 17000 et 12000 ans avant notre ère), or l’ours des cavernes s’est éteint plusieurs milliers d’années avant.
Et rien ne dit non plus que la « trajectoire » des canidés ait coupé dans le temps celle des hommes du Magdalénien.
La superposition des traces dans l’espace n’implique pas nécessairement leur concomitance.
Qu’espère vraiment l’homme dans l’étude opiniâtre de ces modestes empreintes ? L’intérêt scientifique et la soif de connaissance sont-ils seuls en jeu ?
S’il veut vraiment être honnête avec lui-même, l’homme découvre qu’un feu inavoué couve sous les braises de la recherche objective. Penché sur ces empreintes, il aspire secrètement, et parfois à son corps défendant, à trouver une coïncidence des signes.
La surimposition dans l’espace doublée d’une concordance temporelle signifierait quelque chose d’équivalent à « l’alignement » des planètes en astronomie ou en astrologie (restées indissociables jusqu’au XVIII ème siècle). Cette « conjonction céleste » annoncerait un ébranlement de l’ordre des choses comme une « éclipse » ou la fin d’un monde.
Si une telle conjonction existait entre les empreintes humaines et celles de dinosaures, le monde de nos connaissances acquises sur la formation de la vie sur Terre s’écroulerait, et l’éventualité du recul prodigieux des origines de l’Homme ainsi que de son face-à-face avec les géants d’écailles aurait de quoi nous laisser rêveurs…
A défaut d’avoir trouvé cet alignement « impossible », le chercheur d’étoiles que nous sommes a fini par mettre le doigt sur une « conjonction » d’empreintes moins perturbante mais non moins chargée d’oracles.
Inaugurant le règne de la complicité entre l’homme et l’animal, la découverte d’empreintes de mains d’enfant du Magdalénien entrelacées avec celles d’un petit renard dans la grotte de Fontanet (toujours dans l’Ariège) est un témoignage émouvant du jeu qui a pu les lier. De même dans la grotte paléolithique de Basura en Ligurie, où un canidé a marché fidèlement sur les traces de son maître…
La tentation est grande de mettre soi-même sa main ou son pied dans l’empreinte fossile pour abolir la distance qui nous sépare de ces êtres disparus… et d’avoir ainsi la tête dans les étoiles.
Source : Les dossiers d’archéologie, « Traces et messages de la Préhistoire », n°90
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