N’avons-nous pas mieux à faire ? (Droits des animaux)
L’imposant ouvrage du philosophe américain Tom Regan intitulé The Case for Animal Rights (« plaidoyer pour les droits de l’animal ») paru il y a trente ans, vient d’être traduit en français. La découverte de ce monument de sept cent cinquante pages à l’occasion de cette parution (Les Droits des animaux, traduit de l’anglais par Enrike Utria, Hermann, « L’avocat du diable », 35 euros), la prise de conscience du caractère titanesque de sa rédaction comme celle de sa traduction semble plonger un certain nombre de personnes dans la perplexité et faire ressurgir une interrogation souvent énoncée dès lors que quelqu’un se soucie du bien-être animal.
Qu’est-ce qui a bien pu pousser ce philosophe à faire sienne la cause animale et à défendre de la sorte les droits des animaux ? N’est-ce pas une prodigieuse perte de temps que de consacrer ses forces à élaborer (ou à traduire) une théorie selon laquelle les animaux auraient des droits que l’homme aurait pour obligation morale de défendre et respecter, alors qu’il a déjà tant de mal à défendre les siens ?
Même si c’est le cas, n’avons-nous pas mieux à faire, comme essayer de résoudre les problèmes de la faim dans le monde, de lutter contre la drogue ou le travail des enfants, plutôt que de s’occuper des problèmes des animaux ?
La réponse à la première question est étonnante. Car Tom Regan s’est d’abord intéressé aux droits des jeunes enfants. Celui-ci voulait définir et défendre les droits fondamentaux des humains, en particulier ceux des plus vulnérables, et s’est tourné plus particulièrement vers ceux des animaux.
Un autre homme, de terrain cette fois, a suivi le même cheminement. Le bolivien Juan Carlos Antezana a pris sous sa protection les enfants des rues et fondé un orphelinat pour eux.
En cherchant à leur faire découvrir leur pays, il s’est trouvé confronté aux animaux en détresse sur les marchés, et a décidé avec les enfants de fonder un centre qui leur serait dédié.
C’est comme si les deux démarches s’inscrivaient dans la même ligne de conduite, et qu’elles se renforçaient l’une l’autre.
Il n’y a donc ni rupture ni incompatibilité entre les deux entreprises, mais bien plutôt continuité. Il est erroné de croire que nous sommes placés devant une alternative comme le suggère l’interrogation émise plus haut.
Non, nous n’avons pas mieux à faire, au sens où la détresse de l’espèce humaine n’est pas une priorité sur celle des animaux, comme si l’espèce humaine valait mieux que les autres (spécisme).
Ce sous-entendu est un décret arbitraire qui n’a aucun fondement rationnel. Nous n’avons pas à choisir entre les deux démarches. La défense des droits des animaux ne se fait pas au détriment de celle des droits des hommes.
Ces entreprises jaillissent d’un même élan de compassion et peuvent se mener de concert, comme dans le cas de la fondation bolivienne Inti ware yassi, où enfants et animaux pareillement abîmés par l’injustice de la vie se redonnent mutuellement leur dignité.
Car en prenant la défense des droits des animaux dont la vie est entre nos mains, nous reconnaissons par là même nos propres droits et le respect que nous leur devons.
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