« Bêtes de sexe, la séduction dans le monde animal » : une exposition qui annonce ses couleurs
Lorsque l’on voit l’affiche de l’exposition intitulée » Bêtes de sexe, la séduction dans le monde animal « en place actuellement au Palais de la Découverte, à Paris, on se dit que l’exposition promet. Entre le titre, un brin provocateur, et l’illustration du gorille qui l’accompagne, on se demande vraiment où l’on va mettre les pieds. Allongé sur le côté dans une pose très humaine, le primate semble nous regarder d’un air goguenard et nous demander ce que l’on vient vraiment chercher ici. Humour et esprit de décalage sont donc requis pour appréhender l’univers de cette exposition, qui, par ailleurs, affiche un contenu on ne peut plus sérieux.
Elaborée de concert par des biologistes, des experts en comportement animal et les conservateurs du Muséum d’Histoire Naturelle de Londres, cette exposition venue d’outre-Manche entreprend de comprendre la place privilégiée qu’occupe la sexualité au sein de l’évolution, en exhibant la vie sexuelle animale dans tous ses états. Désirant éviter le double écueil du fastidieux et du scabreux, l’exposition prend le parti du clin d’œil et du pied de nez tout en nous amenant petit à petit à nous interroger sur notre propre rapport à la sexualité et notre façon de l’envisager.
Composée d’une succession de cinq espaces explorant tour à tour les méthodes de reproduction, de séduction, ainsi que le haut degré de sophistication des stratégies inventées par la nature pour parvenir à ses fins, l’exposition nous apparaît sous un jour étonnant. Le ton est donné dès que nous franchissons le seuil. Nous voici plongés dans la pénombre d’un décor sobre, mais drapé de rouge et de noir qui n’est pas sans évoquer celui d’une maison de mœurs légères, impression renforcée par le cartel d’entrée jeté sous nos yeux en lettres rouges sur fond noir intitulé » Sexe ! » et rappelée de manière souriante par le Cupidon rouge qui domine le dernier espace de l’exposition consacré à l’Homme.
Sur les murs, se donnent à voir et en même temps se dérobent dans la demi-obscurité de grandes photos en noir et blanc mettant à nu l’intimité ou les ébats amoureux d’animaux à plumes, à poils ou à écailles. Nous sommes également conviés à regarder, dans chaque espace, un documentaire animalier réaliste rétro-projeté et deux courts-métrages surréalistes réalisés et interprétés par l’actrice Isabella Rosselini. C’est effectivement entre deux eaux , celles du réalisme et du surréalisme, que nous sommes invités à naviguer, l’ingéniosité débridée et fantaisiste de la nature dépassant toute imagination. L’exposition suggère avec humour au visiteur-spectateur que nous sommes de laisser nos préjugés moraux au vestiaire, de nous laisser prendre au jeu pour mieux nous faire complice de ce lieu de » débauche « .
Car c’en est un. Nous allons en voir, et de toutes les couleurs. Sado-masochisme des escargots de Bourgogne, domination redoutable de certaines femelles telles que la mante religieuse, la luciole ou la baudroie, échangisme, viol, gardiennage enchaîné de sa partenaire par le phasme, ceinture de chasteté imposée à sa partenaire par le hérisson ou le papillon Apollon.
Toutes ces » pratiques » se retrouvent chez les animaux, et viennent nous assaillir et nous bousculer dans une débauche d’images, une orgie d’anecdotes, de détails et d’informations explicites, et une prolifération foisonnante de spécimens naturalisés, où les mammifères se compromettent avec les insectes, et les oiseaux avec les poissons.
Après cet excès, voire cette indigestion rabelaisienne de découvertes pertinentes et impertinentes, nous pénétrons dans le dernier espace de l’exposition. Consacré à cet animal tout à fait particulier qu’est l’Homme, il a droit à un traitement particulier et sa dimension interactive nous invite à exercer notre jugement. Nous sommes conviés à répondre à des questionnaires à choix multiples qui nous incitent à définir nos repères et à prendre position en réfléchissant à ce que représente la sexualité à nos yeux, tandis qu’un » mur poétique » nous offre la possibilité de dire avec des mots comment nous comprenons pour nous-mêmes les relations entre sexe, séduction et amour.
Cette exposition présente est une réelle occasion d’approfondir sa connaissance du monde animal et des lois scientifiques qui le régissent, et d’aborder sans tabou (ou presque) et heureusement avec beaucoup d’humour, la notion de sexualité. La nature facétieuse nous réserve bien des surprises, en particulier celle de n’avoir aucune limite dans ses stratégies reproductives. La dose d’humour et de second degré qui accompagne cette découverte est nécessaire pour conserver un certain recul.
Si nous ne devons pas juger ce qui existe chez les animaux selon nos codes moraux, nous ne devons pas non plus établir nos propres repères en fonction des possibilités déclinées dans le monde animal. Le fait que la sexualité contrainte existe dans la nature ne légitime pas son usage dans la société humaine. C’est en cela un parcours pédagogique qui s’adresse en priorité aux adolescents (qui viennent par classes entières envahir les salles de l’exposition) en leur donnant les moyens de recevoir des réponses à certaines de leurs questions, et la possibilité de se construire visuellement et verbalement entre Raison et Cupidon.
[youtube http://youtu.be/B4lnx2d5VjM]
Source : Christine
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